La Réserve : Livraison du 15 février 2016

Christine Noille

Le Cid et la rhétorique des passions

Initialement paru dans : Lectures du jeune Corneille, Presses Universitaires de Rennes, p. 93-110. Version remaniée pour la publication numérique.

Texte intégral

  • 1 Aubignac (François Hédelin, abbé d’), La Pratique du théâtre (1663), éd. H....


La même passion continuée, soutenue de divers incidents, et changeant toujours de face, sera sans doute plus agréable, que si l’on en voyait toujours de nouvelles dans chaque scène ; et c’est en quoi le Cid s’est rendu si merveilleux : car l’auteur, ayant à traiter l’état de l’esprit humain combattu par le généreux sentiment de l’honneur et les tendresses d’un violent amour, en donne plusieurs apparences, et réserve toujours pour les dernières scènes de nouvelles pensées qu’il pouvait employer d’abord, s’il n’eût été judicieux ; il en a fait de même dans l’Horace, et presque dans toutes ses autres pièces1.

1Cette appréciation du Cid, due à l’un des doctes les plus critiques à l’égard de l’art cornélien, redit vingt ans après la Querelle les raisons d’un succès : les passions, encore et toujours les passions, conduites avec tant de jugement, que leur effet est merveilleux. S’agit-il là d’un commentaire impressionniste, qui évalue le texte en termes romantiques de combat et de sentiments ? Il n’en est rien bien sûr, et la langue classique ici nous piège au plus haut point, qui recouvre par un lexique aujourd’hui psychologique, une conceptualisation rhétorique de l’art cornélien comme exercice particulier de la parole.

  • 2 Voir Forestier (Georges), Essai de génétique théâtrale. Corneille à l’oeuvr...

  • 3 Voir Gracian (Baltasar), La Pointe ou L’Art du génie (1648), éd. M. Gendrea...

  • 4 Voir Aubignac, op. cit., L. IV, ch. II, « Des discours en général », p. 412...

2Car la merveille relève au XVIIe siècle d’une problématique à la fois dramaturgique et stylistique sur le sublime2, la justesse du jugement renvoie à la mise en œuvre d’une rhétorique du judicium (qui concurrence ou complète la rhétorique de l’ingenium, le génie de la pointe, auquel Gracian a consacré un traité3) et surtout, pour notre sujet, les passions (ou sentiments, ou encore mouvements), ce sont (tout simplement) des discours, un certain type de discours venant prendre place aux côtés d’autres discours répertoriés, tels les narrations, les délibérations et les discours didactiques4.

  • 5 Voir Corneille, Oeuvres complètes, Eds. du Seuil, 1963, Lettre à l’abbé de ...

  • 6 Corneille, ibid., p. 823.

3Les passions ne sont donc pas uniquement un objet de la philosophie morale, elles sont encore un objet de la rhétorique de l’éloquence, partie intégrante de la « broderie », pour reprendre le terme que Corneille applique à tout ce qui n’est pas poétique (c’est-à-dire invention du sujet et disposition des scènes5). Comme le reconnaît Corneille, « [...] les sentiments [ont besoin] de la rhétorique6 ». Et nous ferons alors nôtre le programme de d’Aubignac quand il écrit :

  • 7 D’Aubignac, op. cit., L. IV, ch. VII, « Des discours pathétiques ou Des pas...

Je n’entreprends pas ici d’enseigner la nature des passions [...] ; la doctrine des mœurs en traite assez amplement [...]. Je ne crois pas non plus qu’il soit nécessaire de montrer l’art de s’en servir pour bien persuader, après ce qu’en a dit Aristote au 2. Livre de sa rhétorique [...]. En un mot, j’entends seulement expliquer avec quel art il faut régler un discours pathétique, pour le rendre agréable aux spectateurs par les impressions qu’il doit faire sur leurs esprits7.

  • 8 Comme le souligne G. Forestier (dans Corneille, Le Cid, S.T.F.M., 2001, Int...

4Plus précisément, Le Cid ne serait-il pas, dans la genèse de la poétique cornélienne, le moment où les passions l’ont emporté sur l’intrigue, la rhétorique sur la poétique, et la tragédie sur la comédie ? Autant de couples notionnels qui demandent, assurément, d’être glosés, mais qui permettent de situer la problématique des passions dans une perspective générique, puisqu’il semble bien qu’à travers leur discours, Corneille repense la tragédie, au moment du Cid et de sa Querelle, sous l’angle de sa rhétorique8.

1. La comédie ou l’art des intriques

5Pour aborder l’événement du Cid, il n’est alors pas inutile de dresser un état des lieux de la poétique cornélienne à cet date. Nous nous appuierons, pour ce faire, sur les dédicaces et les préfaces accompagnant les premières publications, de façon à saisir en mouvement la première pensée de Corneille sur son art.

  • 9 Nous donnons pour chaque pièce citée, d’abord la date de sa représentation,...

  • 10 Voir Corneille, L’Illusion comique, S.T.F.M., 2001, Dédicace, p. 3 : « [.....

  • 11 Sont alors écrites Mélite (1629, 1633), La Veuve (1631-2, 1634), La Galeri...

6Si l’on excepte les sujets marqués par la mort des premiers acteurs, tels Médée (1635, 16399), d’emblée dans le tragique par sa filiation sénéquéenne et l’acte V de l’Illusion comique, abrégé de tragédie10, l’expérience de Corneille est celle d’une poétique de la comédie11, sur le fond de laquelle il distingue deux tragi-comédies (Clitandre, jouée et publiée en 1632, et le Cid), toutes deux réévaluées ultérieurement en tragédies (en 1644 pour Clitandre et en 1648 pour Le Cid). Aborder alors la tragi-comédie non pas comme l’expérimentation d’une poétique alternative par rapport à la comédie - comme une première esquisse de la tragédie -, mais comme une variation par complication de la comédie nous semble une voie d’autant plus indiquée que dans les commentaires introductifs de l’ensemble de sa production jusqu’au Cid, Corneille met en avant son perfectionnement dans l’art de la comédie.

  • 12 Voir Corneille, L’Illusion comique, op. cit., Dédicace, p. 3 : « Le premie...

  • 13 Voir ibid., Examen, p. 123 : « Les trois suivants forment une pièce que je...

7Que Corneille mesure ses innovations comme déviation par rapport à la comédie, c’est ce que nous montre encore la dédicace de L’Illusion comique (1639), où l’étrangeté poétique des actes II-IV est qualifiée, en termes de poétique comique, comme écart et « imperfection12 ». Formant une variante de la comédie, cet ensemble n’est-il pas alors susceptible d’être rapproché de la tragi-comédie ? C’est ce que semble corroborer l’Examen de 1660, même si Corneille se refuse à la dénomination, désormais abandonnée, de tragi-comédie13. Bref, à la limite, disons que le jeune poète n’a pas tenté deux, mais trois tragi-comédies, Clitandre, les Actes II-IV de L’illusion et Le Cid, qu’il spécifie toutes par rapport à la norme qu’est pour sa pratique et sa réflexion la comédie. Corneille est, jusqu’en 1636, un poète de comédies qui expérimente à l’occasion une variante tragi-comique et s’est essayé à deux reprises à l’art de la tragédie. La question se pose alors de savoir quels sont les éléments identificateurs de la comédie dans la réflexion de Corneille, et quels en sont les éléments susceptibles de la faire basculer hors du genre comique.

8Dans toutes ses pièces liminaires contemporaines des premières publications, Corneille identifie très systématiquement la comédie par deux critères complémentaires, l’un poétique (l’ingéniosité des intriques), l’autre rhétorique (la naïveté du style). Il n’est qu’à relire l’Avis de La Veuve (1636), qui fait ainsi l’éloge de la comédie :

  • 14 Voir id., Oeuvres complètes, op. cit., La Veuve, Au Lecteur (1634), p. 76.

Si tu n’es homme à te contenter de la naïveté du style et de la subtilité de l’intrique, je ne t’invite point à la lecture de cette pièce : son ornement n’est pas dans l’éclat des vers14.

9Mêmes termes dans la Dédicace de La Suivante, parue en pleine querelle du Cid, et témoignant par là de l’actualité de cette conception au moment même de la Querelle :

  • 15 Ibid., La Suivante, Dédicace (1637), p. 127.

Elle est d’un genre qui demande plutôt un style naïf que pompeux. Les fourbes et les intriques sont principalement du jeu de la comédie ; les passions n’y entrent que par accident15.

  • 16 Rappelons ici la définition de la comédie par d’Aubignac, dont la proximit...

10Avant de nous arrêter à la dernière indication, fondamentale pour notre sujet, revenons sur le critère des intriques. Comme pour d’Aubignac16, la comédie selon Corneille ne se spécifie par un type d’acteurs (personnel non noble) ni seulement par un scénario passe-partout (les amours contrariés) mais par un type d’action (de complication, faudrait-il dire) : la fourbe (ou fourberie), l’intrique. Si la fourbe est le fait des valets, l’intrique est celui des intrigants - personnel moins étroitement spécifié dans l’échelle sociale ; il convient ici de ne pas assimiler l’intrique (substantif masculin) à l’intrigue, ni de faire basculer ce que Corneille dit de l’intrique comique sur l’intrication de la pièce, autrement dit la conduite du sujet. Dans une intrigue, il peut ne pas y avoir d’intriques. Mais tout à fait spécifiquement jusqu’au Cid, la comédie cornélienne vaut par la multiplication et l’ingéniosité des intriques, des manigances des intrigants : intrigues de palais, intrigues amoureuses, autant de ressources pour les renversements (d’alliance) et les surprises, pour les accidents et les épisodes de la fable. C’est là un attribut qui avec Corneille devient constitutif du genre, au même titre que la naïveté du style.

2. La comédie et la convenance du style naïf

  • 17 Voir par exemple Corneille, Oeuvres complètes, op. cit., La Veuve, Examen ...

  • 18 Pour le congé donné aux ornements que sont à la fois les récits, les point...

11De Mélite à La Suivante, les commentaires accompagnant les publications (et amplifiés, au demeurant, dans les Examens de 1660) mettent volontiers l’accent sur le perfectionnement du style : un style qui se dégage de la pompe (et des formes où elle brille : les pointes17, les stichomythies, les monologues, les récits18), et qui s’invente « naïf ». C’est ainsi que Corneille apprécie, en 1634, les progrès de La Veuve :

  • 19 Ibid., La Veuve, Au Lecteur (1634), p. 76.

[...] son ornement n’est pas dans l’éclat des vers. C’est une belle chose de les faire puissants et majestueux : cette pompe ravit d’ordinaire les esprits, et pour le moins les éblouit ; mais il faut que les sujets en fassent naître les occasions : autrement c’est en faire parade mal à propos, et pour gagner le nom de poète, perdre celui de judicieux. La comédie n’est qu’un portrait de nos actions et de nos discours, et la perfection des portraits consiste en la ressemblance. Sur cette maxime je tâche de ne mettre en la bouche de mes acteurs que ce que diraient vraisemblablement en leur place ceux qu’ils représentent, et de les faire discourir en honnêtes gens, et non pas en auteurs. [...] Ici donc tu ne trouveras en beaucoup d’endroits qu’une prose rimée, peu de scènes toutefois sans quelque raisonnement assez véritable, et partout une conduite assez industrieuse19.

12Le mérite repose sur le travail des intriques (la « conduite industrieuse »), non sur l’ostentation de l’éloquence. A la place d’un style « poétique », une « prose rimée », le discours des « honnêtes gens ». La qualification générique de la comédie par le style « naïf » est peut-être même l’apport de Corneille, si l’on en croit l’Examen de sa première pièce :

  • 20 Ibid., Mélite, Examen (1660), p. 28.

La nouveauté de ce genre de comédie, dont il n’y a point d’exemple en notre langue, et le style naïf qui faisait une peinture de la conversation des honnêtes gens, fut sans doute cause de ce bonheur surprenant qui fit alors tant de bruit20.

13Au début des années 1630, le style naïf est, pour Corneille, le marqueur de la comédie - même si, par ailleurs, la comédie prévaut peut-être précisément sur la scène parce qu’elle a, la première, autorisé ce style débarrassé de la « pompe » et du maniérisme jusqu’alors en vigueur sur scène.

  • 21 Ibid., La Suivante, Dédicace (1637), p. 127. Voir supra, note 15.

  • 22 Aubignac, op. cit., L. II, ch. X, « De la tragi-comédie », p. 213. Voir su...

14Non pompeux, le style de la comédie est alors dit « naïf » : cette qualification ne va pas de soi, dans la mesure où le registre noble, qui appelle les grandes figures de mots et de rythmes, est habituellement opposé au style simple (celui des Bucoliques). C’est à ce point précis, sur la conceptualisation du style, qu’intervient de façon massive, dans la culture rhétorique classique, la référence aux passions. Car le style naïf, c’est bien un registre (de mots et de rythmes) éloigné du grand style, autrement dit un style simple, mais il est encore exempt de « passions ». On retrouve là le balancement curieux de la Dédicace de La Suivante entre intrigue et style, naïveté et passions21 : non seulement la comédie cultive les intriques, mais elle invente un style plus naïf que pompeux, où les passions n’entrent que par accident, et encore, à condition d’être « courtes et sans violence », comme s’en fera l’écho, en 1657, l’abbé d’Aubignac22.

  • 23 Nous reprenons ce dernier terme aux Sentiments de l’Académie française sur...

15Car l’ensemble des commentaires cornéliens au même titre que le Livre IV de La Pratique du théâtre de d’Aubignac nous apprennent l’équivalence entre pompe et passions : la topique des passions nourrit un grand discours, mettant en œuvre une judicieuse ingéniosité verbale (où brillent les pointes et les fleurs23). Dans la première moitié du siècle, le discours de passion est fondamentalement orné.

16Et quand Corneille passe de la pompe au style naïf, s’il abandonne les grandes figures d’éloquence, c’est aussi qu’il en refuse la topique de prédilection, à savoir les passions : pour reprendre la leçon de la Dédicace de La Suivante, la comédie commande un style naïf, ou, proposition complémentaire, elle exclut les passions - les discours ingénieux et judicieux raffinant sur la topique des passions.

3. Intrigues ou passions : alternance générique ?

  • 24 Voir Aristote, Rhétorique II, éd. M. Dufour, Paris, Belles Lettres (1931),...

17La grande éloquence pathétique s’investit de façon privilégiée dans la topique par excellence du pathos, telle qu’elle est exposée par Aristote dans la Rhétorique II. Il nous faut ici reprendre la liste des lieux pathétiques qu’établit Aristote pour l’argumentation judiciaire24 : colère et apaisement, amitié (ou amour : c’est le même mot, amor) et haine, crainte et intrépidité, honte, gratitude, pitié, indignation, jalousie, émulation et mépris, sans compter les passions subordonnées (dédain, vexation, plaisir de la vengeance pour la colère, ambition et magnanimité pour l’émulation, etc.). Et pour chacune des entrées, la rhétorique répertorie les arguments type, un chapitre d’Aristote dresse le répertoire des scénarios (des arguments types ou lieux, c’est-à-dire lieux communs) qui exposent les raisons d’éprouver une passion. Pas d’opposition, donc, entre passion et raison dans l’univers du discours : la passion quand elle est discours est toujours raisonnée, conséquence d’un dispositif argumentatif.

18Bref, en ce que Le Cid chante les amours malheureuses et construit son intrigue sur ce canevas minimal, il reste du côté de la comédie. En ce qu’il exploite et amplifie la colère, la vengeance, l’humiliation, la pitié, l’ambition, l’envie, l’honneur, il donne dans le pathos et la pompe.

19La comédie est ainsi, dans les années 1630, le genre dont le style naïf joue une variation galante (plaisante) sur le sentiment amoureux et où brille l’art subtil des intrigues, voire des fourberies. Nous avons bien, avec le double critère de l’intrique et du style, une conceptualisation à la fois poétique et rhétorique de la généricité au théâtre : définition poétique de la fable (multiplication des intriques dans les épisodes pour la comédie) et définition rhétorique des discours (toujours pour la comédie, exclusion des passions et de l’ingéniosité). C’est alors à l’aune de ces deux critères, selon un processus de variation, que nous allons évaluer méthodiquement l’émergence de la tragi-comédie et de la tragédie.

20Si l’on fait un saut du côté de La Pratique du théâtre, la complication de l’intrigue et l’ingéniosité du style offrent une opposition récurrente dans le système de l’abbé d’Aubignac. Dans le choix d’un sujet, l’on doit

  • 25 Aubignac, op. cit., L. II, ch. 1, « Du sujet », pp. 111-112. Pour les pass...

[...] considérer si une histoire est fondée sur l’une de ces trois choses ; ou sur une belle passion, comme ont été La Mariane et Le Cid ; ou sur une belle intrigue, comme Le Prince déguisé et Le Cléomédon ; ou sur un spectacle extraordinaire25 [...].

  • 26 Dans le même chapitre [« Du sujet »], d’Aubignac glose le premier type de ...

21Mais le sujet entraîne alors le genre : à l’intrigue subtile, la comédie, aux passions, la tragédie26, tant et si bien que la tragédie, chez d’Aubignac, est d’abord définie par un scénario archétypal (la violence surgie au sein des alliances, autrement dit la crise politique avec péril de mort) ; mais elle accueille également à titre d’ornement la pompe, le grand style et ce qui va avec, les passions :

  • 27 Ibid., L. II, ch. X, « De la tragi-comédie », p. 222.

Mais la principale marque qui distinguait ces deux poèmes [i. e. la comédie et la tragédie], était la matière des incidents, et la condition des personnes : car où les Princes et les Dieux agissaient selon leur dignité, c’était tragédie, c’est-à-dire un poème grave, sérieux, et magnifique, convenable à la grandeur des choses et des personnes représentées : et quand les intrigues du théâtre étaient fondées sur la fourbe des esclaves et la vie des femmes débauchées, c’était comédie27.

22La grandeur (qualité stylistique) convient aux « choses » - à la topique, qui n’est plus précisée, des passions - et marque un éthos, que l’on croyait réservé à l’épopée. On peut ainsi parler d’une constante analyse rhétorique du genre tragique, comme tissu de passions (de discours pompeux, de mouvements sublimes). Mais la pompe des passions n’a pas d’emblée été pensée comme un critère suffisant pour décider du genre tragique. Ce sera précisément l’enjeu de la Querelle que de promouvoir comme marqueur pertinent ce qui n’était qu’une convenance technique.

4. De la comédie à la tragi-comédie

23D’une certaine façon, avec la double spécification de la comédie comme art (spécifiquement) des intrigues et de la tragédie, comme art (entre autres) du pathos, nous avons en quelque sorte les tenants et les aboutissants de la problématique dans laquelle il est intéressant, nous semble-t-il, d’insérer la tragi-comédie cornélienne, jusqu’au Cid. Si l’on aborde la tragi-comédie à partir de la conceptualisation poétique qui domine la réflexion cornélienne dans les années 1630, à savoir celle du genre comique, il est aisé d’y appliquer les marqueurs de la comédie. Que ce soit avec Clitandre ou même, si on les tient pour tragi-comiques, dans les actes II-IV de L’Illusion comique, nous retrouvons les intrigues, c’est-à-dire la complication du sujet, d’acte en acte et même de scène en scène pour Clitandre, par les manœuvres des intrigants. Nous y reconnaissons aussi, liée au style naïf, la topique galante de l’amour.

  • 28 Voir Corneille, L’Illusion comique, op. cit., Examen (1660) ; p. 123.

  • 29 Sur les circonstances de la rédaction et les choix de la rhétorique, voir ...

  • 30 Voir ibid., p. 55 : « » J’entendis que ceux du métier la blâmaient [Mélite...

24Sur cette donne conservée de la poétique comique, tant au niveau de la fable que du style, se jouent des variantes : personnel bouffon et conservation stricte du style naïf dans L’illusion comique28, introduction - comme exercice rhétorique - d’un style « plus élevé » et d’un personnel noble pour Clitandre29. Dans la genèse du travail cornélien, il semble bien que Clitandre appartient « au même genre de pièces » que la comédie précédente (Mélite), et plus précisément que, en variant la disposition des intrigues (en les resserrant) et en variant le registre du style (en le relevant et le dédouanant ainsi de la familiarité de Mélite), Corneille donne avec Clitandre une comédie exempte des défauts avancés par les doctes (règle des vingt-quatre heures, familiarité du style) même si elle ne vaut « rien du tout30 ». En tant qu’elle joue sur les intrigues et le style, la pièce de Clitandre reste dans un débat critique portant sur la comédie. Sa qualification de tragi-comédie provient d’un critère extérieur.

25Pour quelles raisons Clitandre bascule-t-il dans le tragi-comique - et les actes II-IV de L’illusion sont-ils susceptibles de faire de même ? Leur seul point commun, à vrai dire, est dans la nature du nœud et du dénouement : dans les deux cas, celui qui peut faire figure de premier acteur se retrouve en prison, accusé de meurtre et promis à une exécution. Nouveau critère générique donc, le nœud est constitué par le meurtre (ou sa présomption), le péril consécutif de jugement et de mort, et le dénouement (anticipé à l’avant-dernier acte pour Clitandre, imparfait, inachevé à l’Acte IV de L’Illusion) est marqué par une intrigue, une manigance (un artifice), qui permet d’esquiver la mort (reconnaissance ou évasion). C’est ainsi que l’obstacle à l’amour fournit un nœud tragi-comique lorsqu’il est requalifié en meurtre et péril d’exécution. On ne souviendra ici que le dénouement par la mort semble le critère suffisant pour associer, dans le genre tragique, à Médée le très galant et très peu pathétique acte V de L’Illusion.

26Il apparaît ainsi que dans les années 1630, la tragédie est le genre le moins défini - par un seul critère, d’ordre poétique, extrêmement conventionnel, le péril de mort lié à la rupture d’alliances, critère concomitant avec la présence non moins conventionnelle du grand style. La comédie est en revanche beaucoup plus identifiée dans la pensée cornélienne : par l’intrigue (imagination des intrigues), par la topique (exclusion du pathos) et par l’éloquence (style simple, même si le style relevé reste possible). Quant à la tragi-comédie, elle est précisée dans la mesure où elle se démarque de la comédie : elle se présente comme une comédie en style naïf ou « plus relevé », conservant une simple topique amoureuse, multipliant les intrigues jusqu’au dénouement, mais dont la spécificité, poétique, est au niveau du nœud (l’obstacle amoureux, marqué par le meurtre et le procès qui s’ensuit) et du dénouement (heureux grâce à une ultime intrigue).

5. Le Cid, comédie à nœud tragi-comique ou tissu de passions ?

27Tel peut apparaître, à l’évidence, en grande partie le paradigme poétique du Cid. Les intrigues abondent, qu’elles soient politiques ou sentimentales, et le nœud est le même que pour Clitandre et les actes II-IV de L’Illusion.

  • 31 Si Don Gormas a su évalué ses droits (« Ce que pour lui mon bras chaque jo...

28D’un côté en effet, l’on soupçonne mainte intrigue de palais pour le rang de gouverneur, avec Don Gormas et Don Diègue31. En habile courtisan, Don Diègue intrigue encore, quand il manœuvre Rodrigue (III, 6) et met à sa disposition cinq cent hommes, autant pour le salut de tous que pour son propre rachat. Avec moins de succès, Don Sanche avait essayé d’intriguer auprès du roi (II, 6), pour plaider la cause de Don Gormas, tandis que Don Fernand s’avère, par l’intermédiaire de Don Arias, puis en personne, le maître des intrigues : intrigues d’acteur (qu’on se souvienne du fameux « Contrefaites le triste », lancé à Don Diègue, en IV, 4), intrigues juridiques (et c’est le jugement de l’Acte IV, où la coutume du duel est reprise et intégrée dans une intrigue sentimentale, puisque l’issue doit décider d’un mariage).

  • 32 Voir ibid, I, 3, v. 61-62 : « Elle aime Don Rodrigue, et le tient de ma ma...

  • 33 Voir ibid., V, 3, v. 1652 : « Allons encore un coup le donner à Chimène. »...

  • 34 Voir ibid., II, 5, v. 531-548. A cette tirade où l’imagination travaille s...

29Le lien avec les intrigues sentimentales proprement dites est ainsi établi : y brille le savoir-faire de l’Infante, elle qui a tout d’abord rapproché les amants32, puis qui a inventé une intrigue pour retenir Rodrigue prisonnier et lui interdire ainsi de provoquer Don Gormas (II, 3), avant d’intriguer auprès du roi pour affermir l’issue nuptiale33. Intrigante, l’Infante l’est jusque dans ses fantasmes, où l’épique se greffe sur une intrigue politique34, tandis qu’une fois encore, Don Sanche s’avère un piètre intrigant auprès de Chimène (III, 2).

30C’est ainsi que Le Cid témoigne lui aussi de la virtuosité cornélienne à susciter les intrigues et à jouer des effets de surprise liés à leur issue, d’acte en acte : l’Acte I est marqué par l’intrigue politique, l’Acte II par les diverses intrigues amorcées par le Roi et l’Infante, l’acte III, par la tentative d’intrigue de Don Sanche et par la grande intrigue militaire de Don Diègue, dont l’issue domine l’acte IV jusqu’à l’intrigue judiciaire manigancée par le Roi lui-même.

31Le texte du Cid reprend encore à la poétique tragi-comique le nœud, qui précipite Rodrigue dans le meurtre et le péril subséquent de châtiment suprême et qui n’est dénoué que par un ultime intrique, le coup de force du Roi (contre la justice et la bienséance).

32Encore une fois, que la topique joue sur le désespoir amoureux et que le personnel soit noble n’invalident pas l’option poétique dominante, à savoir celle du genre comique modulé en tragi-comédie. Mais le Cid, ce n’est pas que cela : c’est (surtout) une ingéniosité merveilleuse à jouer du pathos.

  • 35 Les Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid, op. ci...

[...] les passions violentes bien exprimées font souvent en ceux qui les voient une partie de l’effet qu’elles font en ceux qui les ressentent véritablement : elles ôtent à tous la liberté de l’esprit, et font que les uns se plaisent à voir représenter les fautes que les autres se plaisent à commettre. Ce sont ces puissants mouvements qui ont tiré des spectateurs du Cid cette grande approbation, et qui doivent aussi la faire excuser. L’auteur s’est facilement rendu maître de leur âme après y avoir excité le trouble et l’émotion : leur esprit, flatté par quelques endroits agréables, est devenu aisément flatteur de tout le reste ; et les charmes éclatants de quelques parties leur ont donné de l’amour pour tout le corps35.

  • 36 Sur le statut de la stance, ornementale et par conséquent pathétique, mais...

  • 37 Corneille applique cette expression à Médée (voir ibid., Médée, Dédicace, ...

33Loin des naïvetés galantes de la comédie cornélienne, le style du Cid est pompeux, « guindé », dira l’Examen de Cinna en 1660, multipliant les formes typiquement ornementales (stances36, répliques vers à vers, maximes, pointes, monologues et récits), au service du pathos, des passions en leur « char de triomphe37 ». C’est toute la pompe rhétorique qui est ici conviée pour amplifier et moduler la topique passionnelle, car comme le préconise en 1657 d’Aubignac :

  • 38 Aubignac, op. cit., L. IV, ch. VI, p. 471.

Encore faut-il que les figures soient bien variées, et ne pas s’arrêter longtemps dans la même manière de discourir, attendu qu’un esprit agité ne demeure pas longtemps en même assiette38 [...].

  • 39 Voir ibid., p. 469 et supra, note 1. Rappelons que cette remarque a été su...

34Tel est ce en quoi « le Cid s’est rendu si merveilleux », comme le reconnaît l’abbé d’Aubignac39, ou comme l’admet Chapelain en 1637 :

  • 40 Les Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid, op. ci...

Après tout, il faut avouer qu’encore qu’il ait fait choix d’une matière défectueuse, il n’a pas laissé de faire éclater en beaucoup d’endroits de si beaux sentiments et de si belles paroles40 [...]. »

35Et l’éloquence pathétique, faut-il le souligner, s’accorde ici à mettre en valeur une topique pathétique fournie : on peut même aller jusqu’à dire que la matière épisodique est fournie par la Rhétorique II d’Aristote.

36Car si l’on relit le répertoire des arguments pathétiques tel que dressé par Aristote, il semble que Corneille retienne – presque dans l’ordre – les situations aptes à faire surgir les passions, comme autant d’épisodes pour amplifier son sujet : Don Gormas et Don Diègue parcourent l’itinéraire de la colère (de l’ambition et du dédain au mépris, de la vexation et de la colère au plaisir de la vengeance), pendant que Chimène et Rodrigue sont partagés entre l’honneur et la pitié, l’indignation et l’apaisement. Passions oratoires, qui donnent lieu à des plaidoyers magnifiques, et qui vont ainsi jusqu’à structurer la composition de la pièce - alternant, de scène en scène, avec l’invention des intrigues (ou fictions).

6. Des intrigues et du pathos : les raisons d’un succès

  • 41 Elle prononce, selon le décompte de G. Forestier, 437 vers (voir Introduct...

37Là est sans doute la caractérisation technique la plus stricte du Cid en 1636 : par-delà la présence du nœud tragi-comique, la disposition du texte obéit, selon le principe de l’alternance d’une scène à l’autre, à une concurrence d’inspiration entre intrigues et pathos, entre une poétique comique des fictions et une rhétorique grandiose des passions. Et si le rôle de Chimène est si disproportionné par rapport à l’ensemble des autres partitions, c’est sans aucun doute parce qu’elle s’inscrit le plus au croisement de ces deux principes, tantôt conviée sur scène pour le pathos, et tantôt pour les intrigues. Il en va de même, assurément, pour d’autres acteurs, mais de second rang : l’Infante est elle aussi partagée entre un discours d’intrigante et une éloquence pathétique, au même titre que Don Diègue (songeons au pathos de son grand monologue, en I, 5), mais parmi les premiers acteurs, c’est sur Chimène que ressort précisément la dualité d’inspiration de la pièce, au point de doubler littéralement le nombre de vers qu’elle prononce par rapport aux autres41.

38Le seul qui puisse la concurrencer, Rodrigue, est très massivement du seul côté du pathos, de ses stances quasi inaugurales à la grande narration pathétique de l’Acte IV, sans oublier la rencontre de l’Acte III, sommet dans l’éloquence des sentiments - au même titre que la scène 1 de l’Acte V. Et si ces deux scènes sont impardonnables du point de vue de la poétique et des bienséances, elles persistent à ne pas démériter précisément, comme le souligne à plusieurs reprises Chapelain, en tant qu’elles sont décontextualisées, c’est-à-dire tirées hors du fil et du souci de l’intrigue, considérées en elles-mêmes, comme pièces oratoires :

  • 42 Les Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid, op. ci...

Les troisième et quatrième scènes [de l’acte III] nous semblent fort belles, si l’on excepte ce que nous y avons remarqué touchant la conduite. Les pointes et les traits dont elles sont semées pour la plupart ont leur source dans la nature de la chose42 [...].

  • 43 Ibid., pp. 94-95.

[...] nous n’estimons pas qu’il y ait guère plus de chose plus blâmable en toute la pièce. [...] Cette scène [la V, 1] donc a toute l’imperfection qu’elle saurait avoir, si l’on considère la matière comme faisant une partie essentielle de ce poème ; mais en récompense, la considérant à part et détachée du sujet, la passion qu’elle contient nous semble fort bien touchée et fort bien conduite, et les expressions dignes de beaucoup de louanges43.

39C’est à une semblable ellipse de l’intrigue, des préoccupations poétiques - et partant à une ignorance de sa parenté avec les intrigantes de comédie -, qu’est subordonnée l’appréciation de l’Infante :

  • 44 Ibid., p. 95.

Les seconde et troisième scènes [de l’acte V] ont leur défaut accoutumé de la superfluité de l’infante, et font languir le théâtre par le peu qu’elles contribuent à la principale aventure. Il est vrai pourtant qu’elles ne manquent pas de beaux mouvements, et que, si elles étaient nécessaires, elles se pourraient dire belles44.

  • 45 C’est ce que confirme Corneille lui-même en 1660 quand il écrit (Le Cid, o...

  • 46 Fumaroli (Marc), « Rhétorique et dramaturgie : le statut du personnage dan...

40Si l’on en croit les animateurs mêmes de la Querelle, le triomphe du Cid est celui du pathos en sa majesté oratoire, ce qui veut dire tout aussi bien que la réception du Cid est tout sauf « poétique » (au sens où la captation par l’intrigue l’emporterait45). Elle est rhétorique, non seulement en ce qu’elle est sensible à la beauté des passions, mais en ce qu’ignorant le fil de l’intrigue, elle se focalise sur les morceaux de bravoure des acteurs, en ce qu’elle réduit la pièce à une polyphonie oratoire, pour paraphraser la formule de Marc Fumaroli46, bref, en ce qu’elle découpe et mémorise la pièce en exercices d’éloquence, comme en témoignera Pellisson :

  • 47 Pellisson, Relation contenant l’histoire de l’Académie française, Paris, B...

Il est malaisé de s’imaginer avec quelle approbation cette pièce fut reçue de la Cour et du public. On ne se pouvait lasser de la voir, on n’entendait autre chose dans les compagnies, chacun en savait quelque partie par cœur, on la faisait apprendre aux enfants, et en publieurs endroits de la France il était passé en proverbe de dire : Cela est beau comme le Cid47.

41L’alternative qui apparaît ainsi entre rhétorique et poétique, beautés oratoires et beautés des fictions, est au demeurant inscrite en filigrane dans l’analyse des ornements que Corneille répète tout au long de sa carrière : leur présence ne s’accommode pas avec l’extrême agitation, leur artifice demande un apaisement - qui n’est pas tant celui de l’âme que de l’action. En cultivant la pose oratoire, le discours des passions nécessite une pause des actes. Les passions sont une parole sublime, surgie dans une suspension de l’action.

42Parce qu’avec ce texte, Corneille inaugure l’alternance entre scènes où prévalent les qualités de l’intrigue - et même les ressources des intriques -, et scènes consacrées au pathos, il rend possible une poétique jusqu’alors insoupçonnée, dans laquelle, bien des années plus tard, l’abbé d’Aubignac verra la perfection de l’art dramatique. Ce dernier définit en effet, à côté des sujets « d’incidents » et des sujets de « passions », les sujets « mixtes », où l’on reconnaît l’art du Cid tel que nous l’avons spécifié, même si, comme ses contemporains et prédécesseurs, d’Aubignac l’a rejeté plus haut du côté des seules passions :

  • 48 Aubignac, op. cit., L. II, ch. 1, p. 118.

Les derniers sont mixtes, c’est-à-dire mêlés d’incidents et de passions, lorsque par des événements inopinés, mais illustres, les acteurs éclatent en des passions différentes, ce qui contente infiniment les spectateurs, quand ils voient tout ensemble des accidents qui les surprennent, et des mouvements d’esprit qui les ravissent48.

43Et c’est donc en cela que réside la perfection, ou, pour reprendre un terme de prédilection de l’abbé, que l’on a retrouvé appliqué au Cid, le merveilleux :

  • 49 Ibid., p. 119.

Mais il est indubitable que les mixtes sont les plus excellents ; car les incidents renouvellent leurs agréments par les passions qui les soutiennent, et les passions semblent renaître par les incidents inopinés de leur nature, bien qu’ils soient connus, de sortes qu’ils [i.e. les sujets mixtes] sont presque toujours merveilleux, et qu’il faut un long temps pour leur faire perdre toutes leurs grâces49.

7. Des passions à la tragédie du Cid

44D’un strict point de vue générique, la rhétorique (c’est-à-dire, l’éloquence pathétique) est, en 1636-1637, un élément technique qui, assurément, fait sortir de la comédie et de son style naïf, mais qui n’est pas encore constitué en critère pertinent pour décider de la tragédie : Le Cid reste en effet une tragi-comédie. Clitandre nous avait appris que le style relevé et le personnel noble ne sont pas des caractéristiques techniques décisives pour faire basculer dans la tragédie - ni même dans la tragi-comédie. Le Cid franchit un pas supplémentaire en montrant que les passions sont à cette date un élément compatible avec la variante tragi-comique de la comédie. C’est alors une des conséquences de la Querelle, que de changer l’appréciation générique de ces divers marqueurs.

  • 50 Voir Corneille, Le Cid, op. cit., Avertissement (1648), p. 109 et sq. et E...

45Que ce soit en effet dans l’argumentation de Scudéry ou dans celle de l’Académie, les critiques savantes opposent systématiquement à la force des passions - à la réussite d’une rhétorique -, la faiblesse de la fable et des mœurs, l’échec d’une poétique. Selon son habitude, Corneille répond à ses détracteurs à la fois en les contredisant strictement et en retenant leur leçon. La poétique dans Le Cid ? elle est une réussite, précisément parce que le sujet repose sur les passions, lesquelles sont - tout le monde est d’accord - d’un effet merveilleux : c.q.f.d., on aura reconnu la grande démonstration de tous les commentaires du Cid ultérieurs à la Querelle50. Mais c’est promouvoir la rhétorique des passions en un critère poétique, et faire du pathos le nœud même de la tragédie. Traditionnellement valorisée comme genre noble, héroïque, où s’exercent la grandeur du style et la force de la topique pathétique, la tragédie voit la définition de son nœud (et partant, virtuellement, de son dénouement) subvertie par le succès d’une rhétorique. A la place du péril de mort, on aura le combat de deux passions : c’est faire succéder à l’ancien modèle actif de la tragédie comme système de faits piégeant le héros, un modèle agonistique et discursif, où le héros se débat dans des passions faites verbe, dans des discours émotionnellement efficaces.

46Pour requalifier définitivement Clitandre (en 1644) et Le Cid (en 1648), il reste à dé-spécifier les intrigues comme critère de la comédie, et à admettre la possibilité d’une tragédie à intrigues : ce sera chose faite en 1644 avec Rodogune si l’on en croit l’Examen de Cinna : d’un côté,

[...] les pièces embarrassées, qu’en termes de l’art on nomme implexes, par un mot emprunté du latin, telles que sont Rodogune et Héraclius [...],

47lesquelles

[...] ont sans doute besoin de plus d’esprit pour les imaginer, et de plus d’art pour les conduire [...],

48de l’autre côté, des tragédies sans intriques, des pièces « simples », qui,

  • 51 Pour ces trois citations, voir Corneille, Oeuvres complètes, op. cit., Cin...

[...] n’ayant pas le même secours du côté du sujet, demandent plus de force de vers, de raisonnement, et de sentiments pour les soutenir51.

49Quand les intrigues ne viennent pas au secours de la tragédie, il lui reste malgré tout la pompe et le pathos (la force des vers et des sentiments) amplifiés avec justesse. Corneille peut à bon droit s’enorgueillir de Rodogune : avec, au fil des épisodes, la multiplication des intrigues, ces « embellissements de l’invention » qui nouent une intrigue galante, ou encore ces « acheminements vraisemblables » qui mènent à la crise finale, ainsi que les qualifie Corneille en 1647, ne porte-t-elle pas à sa perfection l’audace du Cid, elle qui

  • 52 Ibid., Rodogune, Examen (1660), p. 417.

[...] a tout ensemble la beauté du sujet, la nouveauté des fictions, la force des vers, la facilité de l’expression, la solidité du raisonnement, la chaleur des passions, les tendresses de l’amour et de l’amitié52 [...].

50C’est ainsi qu’au moment de la création du Cid, l’auteur Corneille a trouvé dans les passions à la fois des lieux pour l’argument de sa pièce et une beauté oratoire, alternant avec l’industrie des intrigues. Après la Querelle et à travers le coup de force du poéticien Corneille, en position de force dans la République des Lettres, qui republie ses anciennes pièces en en changeant le genre et en les redécrivant dans de nouvelles préfaces, les passions formeront donc le nœud de l’intrigue, et spécifieront ainsi à tous les niveaux - rhétorique et poétique - le genre de la tragédie.

Notes

1 Aubignac (François Hédelin, abbé d’), La Pratique du théâtre (1663), éd. H. Baby, Paris, Honoré Champion, 2001, L. IV, ch. VII, « Des discours pathétiques ou Des passions et mouvements d’esprit », p. 469. Le texte en italiques, sur l’art de Corneille, date de la première édition (1657) et a été supprimé en 1663.

2 Voir Forestier (Georges), Essai de génétique théâtrale. Corneille à l’oeuvre, Paris, Klincksieck, 1996, p. 271 et sq.

3 Voir Gracian (Baltasar), La Pointe ou L’Art du génie (1648), éd. M. Gendreau-Massaloux et P. Laurens, L’Age d’homme, 1983.

4 Voir Aubignac, op. cit., L. IV, ch. II, « Des discours en général », p. 412 : « [...] je considère au théâtre quatre sortes de discours : les narrations, les délibérations, les discours didactiques ou instructions, et les discours pathétiques ou mouvements d’esprit ou Passions [...]. »

5 Voir Corneille, Oeuvres complètes, Eds. du Seuil, 1963, Lettre à l’abbé de Pure du 25 août 1660, pp. 859-860. Après avoir exposé à son correspondant les sujets de ses trois Discours, Corneille ajoute : « Je crois qu’après cela, il ne reste plus guère de questions d’importance à remuer, et que ce qui reste n’est que la broderie qu’y peuvent ajouter la rhétorique, la morale et la politique ». Pour assimiler la rhétorique aux « sentiments », il n’est qu’à rapprocher l’énumération précédente de cette autre, plus complète, que nous trouvons dans le Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique (ibid., 1660, p. 823) : des six parties du poème dramatique (« le sujet, les moeurs, les sentiments, la diction, la musique et la décoration du théâtre « ), « [...] il n’y a que le sujet dont la bonne constitution dépende proprement de l’art poétique ; les autres ont besoin d’autres arts subsidiaires : les moeurs, de la morale ; les sentiments, de la rhétorique ; la diction, de la grammaire [...]. »

6 Corneille, ibid., p. 823.

7 D’Aubignac, op. cit., L. IV, ch. VII, « Des discours pathétiques ou Des passions et mouvements d’esprit », p. 460.

8 Comme le souligne G. Forestier (dans Corneille, Le Cid, S.T.F.M., 2001, Introduction, p. XIX), la dénomination du Cid change en 1648 (de tragi-comédie, il devient tragédie), à une date où le texte est (sauf corrections infimes) littéralement le même : ce qui a changé, ce n’est donc pas Le Cid, mais la réflexion cornélienne sur le statut (rhétorique) de la tragédie. Ajoutons encore que Corneille pratique aussi la conceptualisation poétique des genres et de la tragédie tout particulièrement : c’est ainsi qu’en 1660, en réponse aux poéticiens, il consacre à l’art de la tragédie un examen poétique systématique, tout autant général et raisonné que particulier (pièce par pièce).

9 Nous donnons pour chaque pièce citée, d’abord la date de sa représentation, puis celle de sa publication (et donc, éventuellement, du commentaire critique l’accompagnant) - sans perdre de vue que l’hiver 1636-1637 est la saison du Cid, contemporaine de sa publication et 1637, l’année de la Querelle (dans ses épisodes principaux).

10 Voir Corneille, L’Illusion comique, S.T.F.M., 2001, Dédicace, p. 3 : « [...] le dernier [i.e. acte] est une tragédie [...]. »

11 Sont alors écrites Mélite (1629, 1633), La Veuve (1631-2, 1634), La Galerie du Palais (1632-3, 1637), La Suivante (1633-4, 1637), La Place royale (1634, 1637), et L’Illusion comique (1636 ?, 1639).

12 Voir Corneille, L’Illusion comique, op. cit., Dédicace, p. 3 : « Le premier acte n’est qu’un prologue, les trois suivants font une comédie imparfaite [...]. »

13 Voir ibid., Examen, p. 123 : « Les trois suivants forment une pièce que je ne sais comment nommer. Le succès en est tragique, Adraste y est tué, et Clindor en péril de mort : mais le style et les personnages sont entièrement de la comédie. [...] L’action n’y est pas complète [...]. »

14 Voir id., Oeuvres complètes, op. cit., La Veuve, Au Lecteur (1634), p. 76.

15 Ibid., La Suivante, Dédicace (1637), p. 127.

16 Rappelons ici la définition de la comédie par d’Aubignac, dont la proximité avec les conceptions cornéliennes ne doivent pas nous surprendre : les adversaires parlent la même langue. Voir Aubignac, op. cit., L. II, ch. X, « De la tragi-comédie », p. 219 : « [...] le style en devait être commun, [...] les passions courtes et sans violence, toutes les intriques soutenues par la finesse et non par le merveilleux [...]. »

17 Voir par exemple Corneille, Oeuvres complètes, op. cit., La Veuve, Examen (1660), p. 77, ou encore ibid., La Galerie du Palais, Examen (1660), p. 102.

18 Pour le congé donné aux ornements que sont à la fois les récits, les pointes et les monologues, voir la critique que Corneille adresse au style de sa tragi-comédie Clitandre, (ibid., Préface de 1632, p. 53 et Examen de 1660, p. 54-55), précisément au nom de l’esthétique naïve qu’il a promu dans ses comédies. Pour la critique des répliques vers à vers comme relevant de cette rhétorique de l’ingéniosité, voir ibid., La Suivante, Examen (1660), p. 127 : « L’entretien de Daphnis, au troisième [acte], avec cet amant dédaigné, a une affectation assez dangereuse, de ne dire que chacun un vers à la fois. Cela sort tout à fait du vraisemblable, puisque naturellement on ne peut être si mesuré en ce qu’on s’entredit. Les exemples d’Euripide et de Sénèque pourraient autoriser cette affectation qu’ils pratiquent si souvent, et même par discours généraux [maximes], qu’il semble que leurs acteurs ne viennent quelquefois sur la scène que pour s’y batte à coups de sentences ; mais c’est une beauté qu’il ne leur faut pas envier. Elle est trop fardée pour donner un amour raisonnable à ceux qui ont de bons yeux et ne prendre pas assez de soin de cacher l’artifice de ses parures, comme l’ordonne Aristote. »

19 Ibid., La Veuve, Au Lecteur (1634), p. 76.

20 Ibid., Mélite, Examen (1660), p. 28.

21 Ibid., La Suivante, Dédicace (1637), p. 127. Voir supra, note 15.

22 Aubignac, op. cit., L. II, ch. X, « De la tragi-comédie », p. 213. Voir supra, note 16.

23 Nous reprenons ce dernier terme aux Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid (1637), quand Chapelain soupçonne une « généreuse pensée » (topos pathétique, lieu d’une « passion » de générosité) de n’être, dans l’écriture cornélienne, qu’une « fleur » (une figure d’éloquence) : devant l’éloquence des passions, sommes-nous du côté du sublime, ou du maniérisme ? La question est posée. Voir [Chapelain], Oeuvres de P. Corneille, Paris, 1821, t. III, Les Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid, p. 93 : « [...] le poète fait douter s’il a connu l’importance de ce qu’il lui avait fait dire lui-même : Voyant que je l’adore, et que je le poursuis ; et laisse soupçonner qu’il ait mis cette généreuse pensée dans sa bouche plutôt comme une fleur non nécessaire que comme la plus essentielle chose qui servît à la constitution de son sujet. »

24 Voir Aristote, Rhétorique II, éd. M. Dufour, Paris, Belles Lettres (1931), 1991, 1378 a 30-1388 b 30, pp. 61-90.

25 Aubignac, op. cit., L. II, ch. 1, « Du sujet », pp. 111-112. Pour les passions, les deux exemples sont respectivement une tragédie et une tragi-comédie rebaptisée tragédie, et pour l’intrigue, une tragi-comédie et une comédie. La troisième alternative est extra-technique, comme dirait Aristote, c’est-à-dire extérieure à l’art du poète puisqu’elle renvoie à la mise en oeuvre de machines.

26 Dans le même chapitre [« Du sujet »], d’Aubignac glose le premier type de sujet comme sujet d’« [...] incidents, intrigues et événement, lorsque d’acte en acte et presque de scène en scène il arrive quelque chose de nouveau qui change la face des affaires [...] » (ibid., p. 118), avant d’en réserver le plaisir au peuple et aux spectacles de comédie (voir ibid., p. 119-122), pendant que les sujet de « passions », soutenus de « [...] mouvements nobles, violents et extraordinaires [...] », s’avèrent le fait de la représentation aristocratique par excellence qu’est le poème tragique (voir ibid., p. 119-122).

27 Ibid., L. II, ch. X, « De la tragi-comédie », p. 222.

28 Voir Corneille, L’Illusion comique, op. cit., Examen (1660) ; p. 123.

29 Sur les circonstances de la rédaction et les choix de la rhétorique, voir Corneille, Oeuvres complètes, op. cit., Clitandre, Examen (1660), p. 55.

30 Voir ibid., p. 55 : « » J’entendis que ceux du métier la blâmaient [Mélite] de peu d’effets, et de ce que le style en était trop familier. Pour [...] montrer que ce genre de pièces avait les vraies beautés du théâtre, j’entrepris d’en faire une régulière [...], pleine d’incidents, et d’un style plus élevé, mais qui ne vaudrait rien du tout [...]. »

31 Si Don Gormas a su évalué ses droits (« Ce que pour lui mon bras chaque jour exécute, / Me défend de penser qu’aucun me le dispute. » [Corneille, Le Cid, op. cit., I, 1, v. 31-32]), Don Diègue a peut-être mieux intrigué (voir ibid., I, 1, v. 215 : « Vous l’avez eu par brigue, étant vieux Courtisan. » Intrigue pour le pouvoir, donc, avec rebondissement sur l’issue.

32 Voir ibid, I, 3, v. 61-62 : « Elle aime Don Rodrigue, et le tient de ma main, / Et par moi Don Rodrigue a vaincu son dédain [...]. »

33 Voir ibid., V, 3, v. 1652 : « Allons encore un coup le donner à Chimène. » Voir encore ibid., V, 7, v. 1799-1800 : « Sèche tes pleurs, Chimène, et reçois sans tristesse / Ce généreux vainqueur des mains de ta Princesse. »

34 Voir ibid., II, 5, v. 531-548. A cette tirade où l’imagination travaille sur l’intrication des victoires, de la première à la suprême, Léonor répond (ibid., II, 5, v. 549-550) : « Mais, Madame, voyez où vous portez son bras, / En suite d’un combat qui peut-être n’est pas. »

35 Les Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid, op. cit., p. 126 [partie conclusive, après Les Sentiments de l’Académie sur les vers du Cid].

36 Sur le statut de la stance, ornementale et par conséquent pathétique, mais en tout cas inapte à l’action, contradictoire avec l’avancement de l’intrigue, voir Corneille, Oeuvres complètes, op. cit., Andromède, Examen (1660), pp. 467-468. Notons au passage que les stances du Cid y sont même jugées trop artificielles (« inexcusables ») : « Les uns [...] disent que c’est trop mendier l’acclamation populaire en faveur d’une antithèse, ou d’un trait spirituel qui ferme chacun de leurs couplets, et que cette affectation est une espèce de bassesse qui ravale trop la dignité de la tragédie. Je demeure d’accord que c’est quelque espèce de fard, mais puisqu’il embellit notre ouvrage, et nous aide à mieux atteindre le but de notre art, qui est de plaire, pourquoi devons-nous renoncer à cet avantage ? [...] Elles n’ont pas bonne grâce à exprimer tout : la colère, la fureur, la menace, et tels autres mouvements violents, ne leur sont pas propres, mais les déplaisirs, les irrésolutions, les inquiétudes, les douces rêveries, et généralement tout ce qui peut souffrir à un acteur de prendre haleine, et de penser à ce qu’il doit dire ou résoudre, s’accommode merveilleusement avec leurs cadences inégales, et avec les pauses qu’elles font faire à la fin de chaque couplet. La surprise agréable que fait à l’oreille ce changement de cadences imprévu, rappelle puissamment les attentions égarées, mais il faut évitr le trop d’affectation. C’est par là que les stances du Cid sont inexcusables et les mots de peine et de Chimène, qui font la dernière rime de chaque strophe, marquent un jeu du côté du poète, qui n’a rien de naturel du côté de l’acteur. [...] Je ne pourrrais approuver qu’un acteur, touché fortement de ce qui lui vient d’arriver dans la tragédie, se donnât la patience de faire des stances, ou prît soin d’en faire faire par un autre, et de les apprendre par coeur, pour exprimer son déplaisir devant les spectateurs. Ce sentiment étudié ne les toucherait pas beaucoup, parce que cette étude marquerait un esprit tranquille et un effort de mémoire plutôt qu’en effet de passion [...]. » La « douce rêverie » et les « inquiétudes » caractérisent ainsi tout autant l’éthos de l’Infante en V, 2 que, ne l’oublions pas, celui de Rodrigue en I, 7 : si les stances relèvent ici du délibératif, comme l’indique Corneille lui-même dans une correction de son texte en 1660 (Rodrigue dit alors en III, 4, v. 881-2, à Chimène : « [...] dans une telle offense / J’ai pu délibérer si j’en prendrai vengeance »), elles relèvent moins de la rhétorique du discours délibératif (ou tissu de raisonnements politiques à valeur de conseil) que de celle de la passion, c’est-à-dire du discours pathétique, ingénieux, ici, jusqu’à l’outrance. Par ailleurs, nous renvoyons aux références ci-dessus pour la dénomination d’ornement appliquée aux monologues, récits, maximes et répliques vers à vers.

37 Corneille applique cette expression à Médée (voir ibid., Médée, Dédicace, 1639, p. 173 : « Ici vous trouverez le crime en son char de triomphe [...]. »

38 Aubignac, op. cit., L. IV, ch. VI, p. 471.

39 Voir ibid., p. 469 et supra, note 1. Rappelons que cette remarque a été supprimée dans l’édition de 1663.

40 Les Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid, op. cit., p. 128.

41 Elle prononce, selon le décompte de G. Forestier, 437 vers (voir Introduction dans Corneille, Le Cid, op. cit., p. XXVI), là où les autres acteurs prononcent approximativement entre 100 et 280 vers (pour Rodrigue, une fois exceptés les 90 vers de son récit).

42 Les Sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid, op. cit., p. 87.

43 Ibid., pp. 94-95.

44 Ibid., p. 95.

45 C’est ce que confirme Corneille lui-même en 1660 quand il écrit (Le Cid, op. cit., Examen, P. 131) : « [...] la plupart des spectateurs laissant emporter leurs esprit à ce qu’ils ont vu et entendu de pathétique en ce poème, ne se sont point avisés de réfléchir sur ces deux considérations [i.e. des faiblesses de l’intrigue]. »

46 Fumaroli (Marc), « Rhétorique et dramaturgie : le statut du personnage dans la tragédie cornélienne » (1972), repris dans id., Héros et orateurs, p. 301 : « Au fond, on pourrait définir le dramaturge comme un orateur polyphonique, et la dramaturgie comme une polyphonie rhétorique. »

47 Pellisson, Relation contenant l’histoire de l’Académie française, Paris, Billaine, 1672 (2ème éd.), p. 186. Cité en note par G. Forestier, dans Corneille, Le Cid, op. cit., p. 4.

48 Aubignac, op. cit., L. II, ch. 1, p. 118.

49 Ibid., p. 119.

50 Voir Corneille, Le Cid, op. cit., Avertissement (1648), p. 109 et sq. et Examen (1660), p. 121 et sq.

51 Pour ces trois citations, voir Corneille, Oeuvres complètes, op. cit., Cinna, Examen (1660), p. 269-270.

52 Ibid., Rodogune, Examen (1660), p. 417.

Pour citer ce document

Christine Noille, «Le Cid et la rhétorique des passions», La Réserve [En ligne], La Réserve, Livraison du 15 février 2016, mis à jour le : 09/02/2016, URL : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/reserve/335-le-cid-et-la-rhetorique-des-passions.

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Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution

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