Dossier Acta Litt&Arts : Actes des journées d'étude Donjons & Labo
La feuille de personnage du jeune chercheur : une activité pédagogique encadrante pour améliorer l’engagement
Résumé
La feuille de personnage est un élément essentiel de la conception de jeux de rôle sur table. Elle peut être adaptée pour encadrer une série d’activités d’apprentissage et améliorer l’engagement des participants. Elle est employée en guise d’introduction à un séminaire de cinq séances, destiné aux étudiants des cycles supérieurs et offert à la bibliothèque, afin d’évaluer les connaissances des participants et de présenter le déroulement du programme. Elle sert également de récapitulatif à la dernière séance pour mesurer les progrès des participants.
Ce compte rendu montre que la feuille de personnage offre au professeur une meilleure compréhension de ses étudiants, tout en permettant une légère amélioration de la satisfaction des étudiants et une diminution marginale de l’abandon du séminaire. Elle constitue également un programme d’activités ludiques, en complément du contenu de cours pour améliorer l’engagement dans une série d’activités d’apprentissage. Cette facilitation passe par l’encadrement et une personnalisation de la matière enseignée avec le parcours des participants.
Texte intégral
Un peu d’histoire et de contexte
Ludifications anciennes
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1 Rui Magone, « The Examination System », dans Oxford Bibliographies Online (...
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2 Jean-Pierre Duteil, Le mandat du ciel: le rôle des jésuites en Chine, de la...
1Les éléments que l’on attribue aujourd’hui à la ludification sont anciens. Certains étaient utilisés dans un cadre éducatif ou militaire. Par exemple, la première utilisation historique d’un score numéroté pour quantifier une compétence l’aurait été pour les examens chinois impériaux à l’époque de la dynastie Song1. Les Jésuites missionnaires ramenèrent cette pratique en Europe où elle se diffusa progressivement dans tous les systèmes éducatifs2.
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3 Sun Jang, Byron Johnson, et Young-Il Kim, « Eagle Scouts: Merit beyond the ...
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4 Milan Vego, « German War Gaming », Naval War College Review 65, no 4 (2012)...
2Plus tard, les mouvements scouts ont réutilisé et ludifié un élément de la symbolique militaire : la collection d’insignes (badges) comme marques de réussite3. Enfin, depuis le XIXe siècle, les wargames utilisent des tables d’enregistrement pour suivre la capacité et le statut des unités militaires sur le plateau de simulation4.
Feuilles de personnage ludiques
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5 Jon Peterson, Playing at the World: A History of Simulating Wars, People an...
3Évoluant à partir des wargames, Dungeons & Dragons (1974) est le premier d’une famille de jeux de société appelés jeux de rôle sur table. Il a connu un succès considérable dans les années 80 et a influencé toutes les sous-cultures de l’imaginaire et du jeu. Il est intéressant de noter que les premières éditions de D&D ne fournissaient aucune fiche de personnage. Cependant, le besoin d’un tel document était tel que la communauté des joueurs de D&D a rapidement créé et publié ses propres feuilles de personnage, améliorant les conceptions originales du jeu5.
4Combinant quantification d’habiletés et collecte de badges, la feuille de personnage est rapidement devenue un élément emblématique et incontournable de tous les jeux de rôle sur table. Par exemple, avec Bunnies & Burrows (1976) ou avec le plus connu RuneQuest (1978), les feuilles de personnage ont commencé à inclure une longue liste de compétences précises, mesurées par pourcentage. Cette approche de conception de jeu a duré des décennies, se développant parfois en calculs extrêmement précis comme les carrières de Warhammer Fantasy Roleplay (1986), ou comme les règles labyrinthiques des compétences facultatives de Rolemaster Companion II (1987), ou encore comme l’arbre de compétences dans Shadowrun 2e éd. (1992). Certains jeux ont innové en créant une fiche pour tout le groupe des joueurs (Ars Magica, 1987) ou en concevant des cahiers complets pour noter tous les détails du parcours d’un seul personnage (The Sailormoon Role-Playing Game and Resource Book, 2000).
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6 Scott Beattie, « Height vs. Depth in Badging Framework Design », dans Found...
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7 David Jara, « A Closer Look at the (Rule-)Books: Framing and Paratexts in T...
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8 Beattie, « Height vs. Depth in Badging Framework Design ».
5De manière générale, une feuille de personnage est une page recto, utilisée comme une fiche structurée d’enregistrements qui sont souvent qualifiés et chiffrés. Elle aide à quantifier certaines informations clés telles que les capacités du personnage, ses progressions, ses défauts, etc. Elle aide également à la collecte des éléments en répertoriant les possessions, les relations ou les accomplissements héroïques du personnage du joueur6. La feuille de personnage est aussi une forme de paratexte, telle que l’a définie Gérard Genette7. Les éléments qu’elle contient structurent la narration de la diégèse et ils fournissent les outils et des procédures pour résoudre l’activité en cours, que ce soit une partie de jeu de rôle, ou dans notre cas une activité de formation. Elle transforme une série d’activités discontinues et hétérogènes en un parcours continu et intégré8.
Introduction
6J’ai conçu une « feuille de personnage du jeune chercheur » pour présenter et introduire un séminaire sur les compétences informationnelles valant un crédit et décliné en cinq ateliers offerts sur cinq semaines. Chaque atelier, d’une durée de trois heures, porte sur la recherche, l’évaluation, la citation, l’organisation et la diffusion de l’information. Le séminaire n’est pas obligatoire et les étudiants peuvent l’abandonner sans conséquence. Proposé entre deux et trois fois par année, le séminaire intitulé PLU6058 – Rechercher et exploiter la documentation est offert depuis 2006 par la Bibliothèque des lettres et sciences humaines et vise à améliorer la compétence informationnelle des étudiants des cycles supérieurs. Entre 20 et 40 étudiants s’y inscrivent. Le séminaire répond aux orientations de la Politique de formation à l’utilisation de l’information de l’Université de Montréal.
Objectifs de la feuille de personnage
7Les objectifs pédagogiques du séminaire sont naturellement très hétérogènes : connaissances théoriques, bonnes pratiques, méthodes, savoir-faire, etc.. Le séminaire est scénarisé du plus général au plus spécifique, et du plus simple au plus avancé. Or, un outil encadrant le tout faisait défaut.
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9 Sam Illingworth et Paul Wake, « Ten Simple Rules for Designing Analogue Sci...
8Pour y remédier, j’ai utilisé la plupart des éléments des feuilles de personnage des jeux de rôle sur table pour m’aider à présenter et à introduire ces ateliers9. J’ai copié, combiné et transformé des éléments de certains jeux pour répondre à mes propres objectifs. Par exemple, il est possible de reconnaître la présentation des Attributs et Capacités de Vampire : The Masquerade (1991) ainsi que la jauge des points de santé mentale de Call of Cthulhu (1981).
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10 Jeff Rient, « The Elf That Is You: The Failure of the Character Sheet in D...
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11 Richard J. Harnish et K. Robert Bridges, « Effect of Syllabus Tone: Studen...
9Mon premier objectif était de concevoir une courte activité d’introduction afin de bonifier la présentation obligatoire du plan de cours (syllabus). Ce plan vise à illustrer le lien entre les besoins des étudiants et le contenu du cours, mais également à établir une forme de contrat ou de passeport pour engager les étudiants dans le séminaire10. Il a été montré que si un syllabus est rédigé et présenté sur un ton chaleureux et convivial, les étudiants peuvent avoir l’impression que l’enseignant est plus motivé ou accessible et que l’activité d’apprentissage est plus facile11.
10Un autre objectif était d’évaluer le niveau de connaissances et de compétences antérieures des étudiants, afin d’identifier les points forts et les points faibles du groupe et afin de moduler la suite des séminaires. L’identification des points forts ou faibles et du niveau moyen est très importante pour ce séminaire basé sur des aspects pratiques.
11Un dernier objectif était de créer une connexion avec les étudiants et de commencer les ateliers avec une activité brise-glace engageante.
Parcours ludifié pour l’engagement
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12 Voix d’Altaride no. 113. « Fiches de perso et aides de jeu ». https://www....
12En tant qu’activité d’apprentissage active, la feuille de personnage a apporté un résultat positif immédiat en proposant des défis clairs, authentiques et pertinents. La feuille de personnage est « la première chose que l’on voit d’un jeu [de rôle] (…) que l’on a sous les yeux constamment12 ». Cette activité est ludifiée dans le sens où le contenu très riche est présenté sous la forme de courtes tâches listées de manière ordonnée. Accomplir cette activité génère un peu d’incertitude et elle définit des objectifs dans la mesure où elle crée une attente pour les activités à venir.
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13 Kelsey O’Brien et Trudi E. Jacobson, éd., Teaching with Digital Badges: Be...
13Reconnaître les acquis est essentiel, puisque tous les étudiants ne se présentent pas au séminaire avec le même profil de compétences informationnelles : ils peuvent provenir de toutes les disciplines (droit, humanités, sciences sociales, sciences de la nature…). De plus, si la fiche de personnage permet d’évaluer la maîtrise des compétences informationnelles, elle permet aussi de valider des compétences ou des expériences non traditionnelles, habituellement absentes du programme scolaire régulier13 ou d’un plan de cours classique. Pensons aux contributions à Wikipédia, à l’installation et au paramétrage de logiciels divers ou au choix d’un style bibliographique. Au-delà de la reconnaissance des acquis, cela permet aussi d’inviter à d’autres façons de faire de la recherche ou d’envisager les devenirs des chercheurs.
14Toutes les sections de la feuille de personnage ne sont pas traitées avec le même temps ni la même profondeur. Par exemple, la partie « Publications » de la fiche est distincte et autogérée. En effet, les étudiants n’ont pas les mêmes objectifs de publication de leur recherche : thèse, mémoire, article révisé par les pairs, présentation de colloque, etc.. Cette liberté leur permet d’être plus positivement engagés. En outre, cette partie souligne l’importance de l’autonomie lors des processus de publication ou des choix liés à la recherche.
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14 Terme spécifique en éducation qui veut dire « décrypter le message mécaniq...
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15 David Hartlage, « 5 Ways Magic the Gathering Changed the Rules of D&D », D...
15Dans la feuille elle-même, les informations sont présentées à l’aide de mots-clés (issus d’une liste de mots finis et spécifiques, un vocabulaire contrôlé), par des descriptions en texte continu (vocabulaire non contrôlé) ou par des éléments numérotés ou visuels (classements, cases à cocher, barres de progression, etc.). Il est important de noter que le vocabulaire contrôlé permet au formateur de présenter des concepts clés du séminaire aux apprenants (« Éditeurs prédateurs », « Opérateurs booléens », etc.). Cela facilite le décodage14 et établit une langue commune. La fiche de personnage devient ainsi un abécédaire et un index de notions expliquées au fil des ateliers. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’au cours des cinquante années de leurs évolutions ludiques, les jeux de rôle ont de plus en plus adopté un vocabulaire contrôlé pour décrire les effets dans la diégèse. Par exemple, les termes sonné, paralysé et feu magique renvoient non seulement à une description dans la fiction, mais ils sont aussi associés à un ensemble de règles spécifiques et activées simplement avec ces termes. Dans le cas de Dungeons and Dragons (D&D) par exemple, cela s’est vu après le rachat par la compagnie éditant Magic : The Gathering, dont la rédaction des cartes s’appuie fortement sur un vocabulaire contrôlé15. Il s’agit d’un regroupement du champ lexical d’une notion en un seul terme. L’ensemble des termes de vocabulaire contrôlé ainsi que ceux du jeu (comme « feuille de personnage », « caractéristique », etc.) constituent un technolecte.
Auto-évaluation explicites dans un cadre
16Parfois, la réalisation des objectifs d’apprentissage est trop difficile à atteindre ou trop imprécise. La feuille de personnage permet de clarifier les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite. Dans le séminaire, j’ai beaucoup de petits objectifs d’apprentissage (installer un infonuage, lister des revues prédatrices, prendre contact avec son bibliothécaire disciplinaire, etc.). Avec la feuille de personnage, il est possible de répertorier plus de cinquante éléments hétérogènes avec des cases à cocher, des classements, etc.. Elle est visuellement attrayante et rappelle explicitement les notions clés. Non seulement cette série d’amorces peut susciter l’enthousiasme, mais elle peut également envoyer le signal que l’enseignant a des attentes élevées et d’exprimer clairement les objectifs du séminaire. Par ailleurs, visualiser ainsi tous les objectifs m’a permis de présenter un cadre global pour aider à gérer le temps alloué et à mesurer la progression du contenu.
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16 Stéphane Daniau, « The Transformative Potential of Role-Playing Games: Fro...
17Enfin, les étudiants peuvent établir plus facilement leur profil et mettre en récit leurs besoins personnels dans le parcours d’apprentissage comme dans un jeu de rôle sur table16. Grâce à ce parcours ludifié personnalisable, leur motivation intrinsèque et leur autonomie sont renforcées. La feuille de personnage peut aussi faciliter un réflexe de pensée critique envers le curriculum ou le programme d’apprentissage.
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17 Michael Murray, « Narrative Psychology », dans Qualitative Psychology. A P...
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18 Daniau, « The Transformative Potential of Role-Playing Games: From Play Sk...
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19 https://nouvelles.umontreal.ca/article/2019/06/05/l-autonomie-des-etudiant...
18La fiche de personnage se veut une activité d’auto-évaluation remettant en cause l’identité perçue et l’identité idéale des participants. Grâce à sa présentation ludique, elle aide les étudiants à constater leurs lacunes et à les accepter plus facilement. Ce processus structurant et personnalisable permet l’émergence d’un récit de soi17. Ainsi, en jouant eux-mêmes un rôle, les étudiants peuvent créer des liens entre les différents objectifs au cours de leur parcours d’apprentissage et développer un sentiment d’auteur de leur propre parcours (self-authorship). Ces valeurs sont ancrées dans un état d’esprit de progression. Ce dernier encourage la croyance que les habiletés et les compétences peuvent être améliorées dans le temps, avec de la pratique et du travail18. Notons que très souvent dans les jeux de rôle sur table, lorsqu’un joueur joue un personnage, il respecte ces mêmes valeurs. Ces théories font aussi appel à la notion d’autodétermination, une notion métacognitive qui « rend une personne capable de s’engager dans l’avenir, de s’autoréguler et d’avoir des comportements autonomes »19.
Recherche de connexion personnelle
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20 Voix d’Altaride, op. cit.
19La feuille de personnage est aussi un moyen de favoriser l’engagement des participants, basée sur une autoévaluation commune et sur la promesse de répondre à leurs besoins d’information. Comme une feuille de personnage de jeux de rôle : « Qu’est-ce que promet la fiche ? Est-ce qu’elle donne envie de jouer, ou pas20 ? »
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21 Jacob Stratman, « What’s in a Name: The Place of Recognition in a Hospitab...
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22 Pascal Martinolli, « De maître-élèves à hôte-invités : revisiter le cadre ...
20Toutefois, le but de l’activité est profondément lié à l’identité de soi et aux capacités individuelles. L’intégrer dans un parcours personnel peut être inconfortable pour certains étudiants. Afin de réduire le stress de cette première activité, je présente d’abord ma propre fiche. Il semblerait que pour un accueil hospitalier, un hôte (l’enseignant) ne peut pas demander à ses invités (les étudiants) de se présenter d’abord la première fois qu’ils se rencontrent21. Ainsi, d’une manière générale, dans mes formations, je base une partie de ma réflexion sur les règles de l’hospitalité pour établir un environnement pédagogique accueillant22. Par exemple, j’évite d’interroger personnellement les étudiants sur ce sujet d’autoévaluation. C’est une activité de groupe et chacun répond pour lui-même. Puis, à la pause, lorsque j’invite les élèves à me transmettre leur feuille, je précise clairement que ce n’est pas obligatoire. Environ 20 % des étudiants ne partagent pas leurs feuilles.
21La fiche elle-même permet également de créer des liens avec la communauté universitaire. L’en-tête leur rappelle comment leur département ou leur école est lié à la bibliothèque, notamment par le biais du bibliothécaire disciplinaire. Certains bibliothécaires proposent même un programme de jumelage individuel, soit un accompagnement plus structuré, pour les doctorants. La bibliothèque de Montréal, par exemple, offre « du soutien dans les démarches de recherches bibliographiques en lien avec le sujet de recherche et [...] des outils pour rester à jour dans son domaine23 ».
Déroulement de l’activité
Avant les ateliers
22Une semaine avant le premier atelier du séminaire, je publie ma propre fiche de personnage sur l’espace Web du cours. Avec cette fiche, les étudiants peuvent voir mes intérêts de recherche et mes réalisations, mais également constater que j’ai des capacités et des connaissances à parfaire (sur le droit d’auteur par exemple).
Au début du premier atelier
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24 La feuille de personnage et le document de présentation sont téléchargeabl...
23Je distribue à chaque participant une feuille de personnage vierge au tout début du premier atelier24. Je leur demande de la remplir avec un crayon de couleur claire, car nous la remplirons à nouveau en noir lors du dernier atelier. Ensuite, j’affiche des diapositives décrivant chacun des éléments de la feuille de personnage. Pendant le processus, je commente chaque diapositive.
Illustration - Feuille de personnage du jeune chercheur
24D’abord, les participants inscrivent leur discipline, la progression actuelle de leurs recherches et les sujets de ces dernières.
25Ensuite, la partie la plus développée concerne tous les éléments de la curation de leur profil en ligne pour bien gérer les identifiants permanents de chercheur et les profils sur les réseaux sociaux. Elle dure 20 minutes. J’y parle de compte ORCID, de profil Google Scholar et d’autres identifiants de chercheurs. Cette sous-activité offre une consistance et un bénéfice direct aux étudiants. Ces derniers sont très attentifs à cette partie qui constitue une accroche importante au séminaire. Les étudiants comprennent qu’il est important de prendre soin de leur e-réputation pour créer un effet de levier marginal pour postuler, pour demander des financements. Je leur fais la promesse que les compétences informationnelles enseignées dans le séminaire vont les aider à projeter des valeurs de transparence, d’ouverture, de clarté, de précision, d’exhaustivité ou de sélection, de traçabilité, d’honnêteté, d’attribution, de responsabilité ou d’imputabilité. Bref, des valeurs de la science25.
26Juste après, nous abordons le cœur de l’activité : leurs habiletés actuelles et les habiletés qui seront développées dans l’atelier. Cette partie dure une dizaine de minutes. Les habiletés sont évaluées par un système de cinq puces. Je ne décris pas précisément le système en soi, je leur demande simplement de cocher la puce qui semble être le niveau le plus juste de leurs habiletés ou comment ils les perçoivent. J’indique toutefois dans quel atelier nous traiterons chacune des habiletés.
27Enfin, nous passons en revue les bonnes pratiques à connaître et à suivre. Je leur demande aussi de remplir leurs accomplissements en termes de diffusion de leurs recherches : nombre de conférences présentées, articles publiés, blogs de recherche, etc.. L’activité dure 35 minutes. Elle est suivie d’une pause où je propose aux étudiants qui le désirent de me transmettre leurs fiches pour en faire des photocopies, ce qui m’aidera à identifier leurs niveaux de compétences informationnelles et leurs sujets de recherche.
À la fin du dernier atelier
28À la toute fin du dernier atelier, je demande aux élèves de prendre un stylo noir ou foncé pour compléter leur feuille de personnage. Nous ne faisons que passer en revue les habiletés pour vérifier ce qui a été appris. Lorsque c’est terminé, je demande si certains d’entre eux veulent que j’aille faire une photocopie de leur fiche. À mon retour, je distribue à nouveau les fiches, je leur demande des retours directs sur l’activité. Le but de cette dernière activité est de conclure le séminaire. Elle dure entre 15 et 20 minutes. Elle fonctionne comme un debriefing où les étudiants mesurent leur progression et identifient les lacunes d’apprentissage restantes. Cette autoévaluation permet une réflexion et une rétention d’apprentissage plus approfondies. Elle est facilitée et guidée de façon accueillante, car elle n’est pas évaluée formellement par une note et les élèves sont libres de partager ou non leur fiche de personnage. Je termine le séminaire en leur souhaitant une bonne carrière de chercheur.
Retour d’expérience
29Les élèves apprécient l’activité, non seulement pour son aspect excitant et plein de promesses, mais aussi pour son utilité et sa rétroaction sur l’apprentissage. En effet, elle leur permet de mieux savoir où ils en sont et où ils vont. Bref, ils sont davantage investis psychologiquement dans l’apprentissage. Ils sont plus engagés.
30Dans sa conception actuelle, la feuille de personnage n’est pas utilisée pendant tous les ateliers suivant le séminaire, mais elle pourrait l’être. Cette activité occupe près de 6 % (35 minutes + 20 minutes) du temps total du séminaire. Le séminaire est très dense, mais je pense que cette activité s’y insère bien et qu’elle n’est pas qu’un simple jeu ou un exercice structurant, puisqu’elle contient environ 20 minutes de connaissances théoriques et de bonnes pratiques sur la manière de gérer sa réputation numérique.
31Quelques chiffres : 205 étudiants ont utilisé la feuille de personnage du jeune chercheur depuis 2017. Environ 80 % d’entre eux partagent leur fiche avec le formateur. Les appréciations du séminaire ont été sensiblement meilleures depuis 2017, mais il est difficile d’isoler l’effet de la fiche par rapport à l’amélioration globale du séminaire au cours des années.
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26 Louis Deslauriers et al., « Measuring Actual Learning versus Feeling of Le...
32Un des problèmes des activités en formation reste que les étudiants universitaires pensent que l’apprentissage actif est moins efficace que l’instruction classique en classe, alors que c’est inverse26. Il faut donc rappeler régulièrement que l’activité est efficace et pertinente. Pour moi, une manière de le faire demeure la décision d’inclure une longue partie de bonnes pratiques sur la gestion de l’identité numérique du chercheur.
33Un autre écueil est qu’il ne faut pas que la feuille de personnage soit trop complexe. J’essaye de la simplifier à chaque nouvelle mise à jour. En effet, une évolution non souhaitable de beaucoup de jeux est d’ajouter et de complexifier au lieu de simplifier et de recomposer27. Jeff Rient a commenté que c’est un « type d’écriture raté (…) qui ressemble plus à une feuille d’impôts qu’à un jeu amusant [ma traduction] » et on peut facilement être loin du « passeport du joueur pour le jeu (…) d’un objet tangible, persistant et unique qui connecte le joueur à l’activité ludique28. »
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29 Ce parcours est disponible à https://bib.umontreal.ca/parcours
34En poursuivant les innovations pédagogiques dans le même sens, la feuille de personnage m’a permis aussi de développer un parcours d’autoformation. Il est basé sur l’arbre des compétences du jeu de rôle Shadowrun, ou plus récemment sur les arbres de talents du jeu de rôle Edge of the Empire (2013). Pour ce parcours, on remarque là aussi l’extraordinaire pouvoir encadrant et structurant des éléments du jeu de rôle, puisqu’il permet de mettre en forme tout un curriculum de compétences et de savoir-faire très divers29. Les compétences à développer s’enchaînent dans une structure à embranchement. Certaines sont préalables à d’autres et l’apprenant comprend visuellement comment chaque compétence s’articule avec les autres.
35Lors de la pandémie, les séminaires ont été donnés deux fois et exclusivement en ligne. Alors que le formateur partageait son écran et survolait les différentes sections de la feuille, les participants votaient avec l’outil sondage du logiciel ou avec le clavardage. C’était une activité cette fois-ci collective, sans support papier, et dont le but était d’établir un premier contact captivant, de comprendre le contenu du séminaire et de donner au formateur un aperçu des connaissances du groupe. J’ai noté cependant une limite : la possibilité d’avoir une activité commune réalisée de la même manière par tous. Selon mon propre ressenti, je pense que le fait d’avoir deux groupes séparés (un sur place et un en ligne) a réduit la dimension d’accueil, d’intégration et d’hospitalité. Le fait que la feuille soit virtuelle a aussi enlevé un élément de matérialité que j’aimais bien dans les ateliers en présence précédents.
Conclusion
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30 Vivien Féasson, « Le jeu de rôle, loisir du méta? », dans JDR’idée, une an...
36Comme le dit Féasson30, le jeu de rôle sur table est « un loisir du méta », une activité naturellement encadrante qui, tout comme un récit-cadre, permet de structurer des sous-activités de manière très efficace et engageante. La feuille de personnage de jeu de rôle possède les mêmes attributs d’encadrement. En structurant le temps et le contenu, elle marque un début et une fin et définit un espace temporaire accueillant et sécurisant. Pour atteindre plusieurs objectifs d’apprentissage, elle donne du sens à un parcours de formation en ordonnant et en priorisant une séquence d’activités. Tout comme le jeu de rôle sur table, l’activité de feuille de personnage est facilitée par un enseignant, un maître ou un hôte, qui s’assure de son bon déroulement.
37Ainsi, la feuille de personnage peut être utilisée en tant que programme d’activités ludifiées en complément du plan de cours pour améliorer l’engagement dans une série d’apprentissages. Elle a un faible coût cognitif et elle ne dure pas trop longtemps. Grâce à son effet d’encadrement et de mise en correspondance personnalisée entre le contenu et les participants, la motivation et l’engagement dans les ateliers sont améliorés.
Remerciements
38Je remercie Jennifer AW Stubbs qui a traduit et utilisé cette feuille de personnage dans ses ateliers de formation à la New York University at Shanghai. Je remercie aussi Cynthia Gagné, Benjamin Constantineau, Indiana Delsart et Hélène Tardif, qui ont utilisé cette feuille dans les ateliers de formation en bibliothèque à Université de Montréal. Je remercie Pascale Bellemare pour la révision linguistique de ce compte rendu de conférence. Je remercie enfin Audrey Dominguez et Hélène Godin pour la révision finale et pour leurs commentaires stimulants.
Notes
1 Rui Magone, « The Examination System », dans Oxford Bibliographies Online (OBO), Chinese Studies (Oxford: Oxford University Press, 2014), https://doi.org/10.1093/OBO/9780199920082-0078 .
2 Jean-Pierre Duteil, Le mandat du ciel: le rôle des jésuites en Chine, de la mort de François-Xavier à la dissolution de la Compagnie de Jésus, 1552-1774, 1re éd (Paris: AP éditions-Arguments, 1994).
3 Sun Jang, Byron Johnson, et Young-Il Kim, « Eagle Scouts: Merit beyond the Badge », Faculty Publications - Department of World Languages, Sociology & Cultural Studies, no 39 (1 janvier 2012), https://digitalcommons.georgefox.edu/lang_fac/39.
4 Milan Vego, « German War Gaming », Naval War College Review 65, no 4 (2012): 106-47.
5 Jon Peterson, Playing at the World: A History of Simulating Wars, People and Fantastic Adventures, from Chess to Role-Playing Games (San Diego, CA: Unreason Press, 2012), sect. 5.9.1.
6 Scott Beattie, « Height vs. Depth in Badging Framework Design », dans Foundation of Digital Badges and Micro-Credentials, éd. par Dirk Ifenthaler, Nicole Bellin-Mularski, et Dana-Kristin Mah (Springer International Publishing, 2016), 307-24, https://doi.org/10.1007/978-3-319-15425-1_17.
7 David Jara, « A Closer Look at the (Rule-)Books: Framing and Paratexts in Tabletop Role-Playing Games », International Journal of Role-Playing, no 4 (2013): 39-54.
8 Beattie, « Height vs. Depth in Badging Framework Design ».
9 Sam Illingworth et Paul Wake, « Ten Simple Rules for Designing Analogue Science Games », PLOS Computational Biology 17, no 6 (10 juin 2021): e1009009, https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1009009 .
10 Jeff Rient, « The Elf That Is You: The Failure of the Character Sheet in Dungeons & Dragons – ISU Writing Program », Grassroots Writing Research Journal 4, no 11 (2014), http://isuwriting.com/the-elf-that-is-you-the-failure-of-the-character-sheet-in-dungeons-dragons/ .
11 Richard J. Harnish et K. Robert Bridges, « Effect of Syllabus Tone: Students’ Perceptions of Instructor and Course », Social Psychology of Education 14, no 3 (1 septembre 2011): 319-30, https://doi.org/10.1007/s11218-011-9152-4 .
12 Voix d’Altaride no. 113. « Fiches de perso et aides de jeu ». https://www.cendrones.fr/voix-daltaride-113-fiches-de-perso-et-aides-de-jeu/ (avril 2021).
13 Kelsey O’Brien et Trudi E. Jacobson, éd., Teaching with Digital Badges: Best Practices for Libraries, Innovations in Information Literacy (Lanham, Maryland: Rowman & Littlefield, 2018).
14 Terme spécifique en éducation qui veut dire « décrypter le message mécanique en information sémantique par le cerveau »
15 David Hartlage, « 5 Ways Magic the Gathering Changed the Rules of D&D », DMDavid (blog), 25 février 2020, https://dmdavid.com/tag/5-ways-magic-the-gathering-changed-the-rules-of-dd/ .
16 Stéphane Daniau, « The Transformative Potential of Role-Playing Games: From Play Skills to Human Skills », Simulation & Gaming 47, no 4 (2016): 423-44, https://doi.org/10.1177/1046878116650765 .
17 Michael Murray, « Narrative Psychology », dans Qualitative Psychology. A Practical Guide to Research Methods, éd. par Jonathan A. Smith, 3e éd. (London: SAGE Publications, 2015), 85-107, https://us.sagepub.com/en-us/nam/qualitative-psychology/book242733 .
18 Daniau, « The Transformative Potential of Role-Playing Games: From Play Skills to Human Skills »; Eliane Steiner et al., « “I Remember Your Lecture”: Role-Playing Games and Unconventional Teaching Reinforce Learning Outcomes », ETH Learning and Teaching Journal 2, no 1 (2020): 12.
19 https://nouvelles.umontreal.ca/article/2019/06/05/l-autonomie-des-etudiants-en-situation-de-handicap-favorise-leur-reussite-universitaire/
20 Voix d’Altaride, op. cit.
21 Jacob Stratman, « What’s in a Name: The Place of Recognition in a Hospitable Classroom », International Journal of Christianity & Education 19, no 1 (2015): 27-37, https://doi.org/10.1177/2056997115573626 .
22 Pascal Martinolli, « De maître-élèves à hôte-invités : revisiter le cadre relationnel des formations en bibliothèque » (Congrès des professionnels et professionnelles de l’information (CPI), Montréal, QC, 2019), https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/22410 .
23 https://bib.umontreal.ca/services/jumelage-doctorant
24 La feuille de personnage et le document de présentation sont téléchargeables et réutilisables librement à https://github.com/pmartinolli/TM_SchoCharSheet
25 Comment gérer sa e-réputation de jeune chercheur-euse, RaccourSci, 2020 https://www.raccoursci.com/astuce/communication-scientifique-strategie-ereputation/
26 Louis Deslauriers et al., « Measuring Actual Learning versus Feeling of Learning in Response to Being Actively Engaged in the Classroom », Proceedings of the National Academy of Sciences 116, no 39 (4 septembre 2019): 19251-57, https://doi.org/10.1073/pnas.1821936116 .
27 Morningstar, « Visual Design as Metaphor ».
28 Rient, « The Elf That Is You ».
29 Ce parcours est disponible à https://bib.umontreal.ca/parcours
30 Vivien Féasson, « Le jeu de rôle, loisir du méta? », dans JDR’idée, une animation de la convention Orc’idée (Orc’idée 2017, Lausanne, 2017), https://www.youtube.com/watch?v=kcUkJ_zzH2Y .
Bibliographie
Jeux cités
Dungeons & Dragons (1974)
Bunnies & Burrows (1976)
RuneQuest (1978)
Call of Cthulhu (1981)
Warhammer Fantasy Roleplay (1986)
Rolemaster Companion II (1987)
Vampire: The Masquerade (1991)
Shadowrun 2nd ed. (1992)
Ars Magica (1987)
The Sailormoon Role-Playing Game and Resource Book (2000)
Edge of the Empire (2013)
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Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Pascal Martinolli
Bibliothécaire, Bibliothèque des lettres et sciences humaines, Université de Montréal pascal.martinolli@umontreal.ca https://orcid.org/0000-0003-0122-5300