Gérard Macé écrivain-traducteur. Entretien
- A l’occasion de sa venue dans le cadre de l’expérimentation « Epreuves de l’étranger », Gérard Macé s’est entretenu avec des étudiants de Master 1 et 2 (parcours Littérature, critique et création), le 8 novembre 2017.
- Il est interrogé par Gaëlle Grella, Yanis Kurkov, Philippine Ménard, Chiara Silva, et enregistré par Kevin Woringer.
PRÉSENTATION
Gérard Macé, surtout connu pour son œuvre d’écrivain, est également traducteur d’un nombre important de textes. Tout en se défendant d’être théoricien de la traduction, il a développé une réflexion sur sa pratique et a fait paraître un certain nombre de volumes traduits dont la conception même montre la spécificité de son point de vue sur la traduction.
Ainsi, une partie de ses traductions de l’italien est rassemblée dans Colportage II : Traductions (Gallimard, 1997), volume qui compose, à travers une série de jeux de miroirs et de mises en abyme, une forme d’anthologie personnelle par laquelle Gérard Macé se crée « une véritable généalogie littéraire fictive » (K. Gros, « Gérard Macé et la traduction », Les Enjeux de la traduction littéraire, Publisud, 2004).
La conception de Sur le heurt à la porte dans Macbeth (Fata Morgana, 1986), traduction du texte en anglais de Thomas de Quincey, est plus singulière encore. La première partie du livre propose, en édition bilingue, une traduction de l’essai par Gérard Macé, trouée, par endroits, de passages traduits par Mallarmé. La seconde partie est un commentaire du texte, mis en regard de citations de Baudelaire. Le livre fait ainsi se superposer de multiples voix. « Ce réseau intertextuel est bien un palimpseste mais qui donne à déchiffrer toujours son secret intime dans le texte d’un autre, comme si l’on était lecteur de son esprit mais dans la transparence ou en contre-page d’un autre. » (L. Demanze, « Gérard Macé : l’entour et le détour », @nalyses vol. 5, n°3, automne 2010)
Les traductions du bengali ont un statut à part dans cet ensemble, puisque G. Macé ne parle pas cette langue et que ces livres résultent d’une collaboration avec l’auteur, Lokenath Bhattacharya. Si, ici, G. Macé semble se ranger dans la cohorte des traducteurs invisibles, dont le nom n’apparaît pas sur la page de couverture, dont la voix s’efface, ces livres, dans leur version française, doivent pourtant autant à l’auteur qu’au traducteur, qui a effectué un véritable travail de réécriture et de réappropriation du texte. Voici comment il évoque celui-ci (courriel à Pascale Roux, 23 octobre 2017) :
« Lokenath, qui avait traduit Descartes, Rimbaud et Michaux en bengali, faisait une version en français, fidèle et un peu bancale, que je lisais deux ou trois fois, afin d'intérioriser le poème, puis j'écrivais ma version comme s'il s'agissait d'un poème personnel. Lokenath ensuite approuvait, sauf une fois où il m'a suggéré une correction.
Cette approbation constante m'inquiétait (j'aurais pu croire à de la politesse) malgré les affirmations de France, son épouse, qui enseignait le bengali à l'INALCO. Cette unique correction n'aurait pas suffi à me rassurer, mais j'ai compris au cours de notre travail (jamais en commun, mais intimement partagé) que Lokenath avait une autre idée de la traduction que la fidélité à la lettre. La fidélité à l'esprit lui importait davantage, et surtout le fait que le résultat soit poétique en français.
A vrai dire, le mot "traduction" ne convient guère. D'abord parce que je ne sais pas un mot de bengali. Ensuite parce que je travaillais sur une version française. Mais il n'y a pas de mot pour désigner cette étrange façon de procéder. J'avais l'impression d'écrire par procuration, avec beaucoup de plaisir. »
Bibliographie des textes traduits ou co-traduits par G. Macé
- Umberto Saba, Comme un vieillard qui rêve, Rome : Académie de France, 1983 / Paris : Rivage, 1990.
- Sergio Solmi, Méditations sur le scorpion, Lagrasse : Verdier, 1984. Traduit avec Eliane Formentelli.
- Giorgio Agamben, Idée de la prose, Paris : C. Bourgois, 1988 / 2006.
- Giacomo Leopardi, Discours sur la haine du pays natal : deux lettres de Giacomo Leopardi, Fontfroide : Fata Morgana, 1991.
- Cristina Campo, Les impardonnables, Paris : Gallimard, 1992. G. Macé est traducteur de deux textes du volume : « Tapis volants » et « Hommage à Borges ».
- Lokenath Bhattacharya, Le Festin des mendiants, Fontfroide : Fata Morgana, 1995. L’intégralité du volume est co-traduit par G. Macé : douze textes.
- Colportage II : Traductions, Paris : Le Promeneur, 1998.
- Lokenath Bhattacharya, Où vont les fleuves, L’Isle-sur-la-Sorgue : Le bois d’Orion, 1998. Trois textes sont co-traduits par G. Macé.
- Lokenath Bhattacharya, La couleur de ma mort, Fontfroide : Fata Morgana, 1999. Cinq textes sont co-traduits par G. Macé.
- Ferdinando Scianna, Jorge Luis Borges photographié par Ferdinando Scianna, Milano : F. Sciardelli, 1999.
- Lokenath Bhattacharya, Est-ce le chemin de Bhaironghât ?, L’Isle-sur-la-Sorgue : Le Bois d’Orion, 2001. Réédition des trois textes parus en 1998.
- Thomas de Quincey, Sur le heurt à la porte dans Macbeth, Paris : Le Promeneur, 2009 / Fontfroide : Fata Morgana, 1986.